Le mot Philocalie signifie en grec « amour de la beauté ». « Ce mot désigne le désir de ceux qui cherchent la beauté cachée de Dieu ou le Dieu en qui se révèle toute beauté. Lorsqu’elle se tourne vers le Bien et s’attache à la Vérité, la Beauté mène vers Celui qui en est la source », écrit Michel Evdokimov dans Ouvrir son cœur, un chemin spirituel.
Une Philocalie est une anthologie ou un florilège. Dans la Philocalie des Pères neptiques (Φιλοκαλία τῶν Ιερῶν Νηπτικῶν) ou Grande Philocalie grecque, des textes écrits entre le IVe et le XIVe siècles par des pères spirituels de l’Orient chrétien sont rassemblés et disposés en paragraphes courts[][]. Cette sélection de textes d’une trentaine d’auteurs fut réalisée par saint Macaire, évêque de Corinthe et saint Nicodème l’Hagiorite, moine du Mont-Athos et fut imprimée à Venise en 1782, car la Grèce se trouvait alors sous domination ottomane.
Le titre complet de l’œuvre est Philocalie des Pères neptiques, recueillie par les saints Pères théophores, où l’on voit comment par la philosophie de la vie active et de la contemplation, l’esprit se purifie, est illuminé, et rendu parfait. « Les Pères neptiques (le mot signifie vigilant) sont ceux qui ont lutté contre la dispersion des pensées en montant la garde du cœur. Les Pères théophores, d’après l’étymologie de ce mot, sont « porteurs de Dieu », car porteurs du nom qu’ils sont voués à prononcer, à enfermer dans la prière du cœur et dans lequel Dieu manifeste sa présence. Enfin, le terme philosophie doit être compris dans son sens premier d’amour de la sagesse, une sagesse aussi bien tournée vers la contemplation que vers l’action » (M. Evdokimov, op. cit., p.86-87). Ces textes livrent l’expérience spirituelle millénaire des moines de l’Orient chrétien priant sans cesse « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi » (invocation dite « prière de Jésus » ou « prière du cœur »).
La Philocalie grecque s’est diffusée progressivement dans le monde orthodoxe. Saint Païssy Velitchkovsky, un moine ukrainien, installé dans le monastère de Neamts en Roumanie, avec des moines russes et roumains, traduit les textes des Pères en slavon : ainsi parut en 1793 la traduction de l’œuvre sous le titre de Dobrotoljubje (c’est-à-dire « amour de la bonté »). Cet ouvrage est traduit en russe en 1877. La Philocalie est traduite en roumain par le grand théologien Dumitru Staniloae à partir de 1946. Ce témoignage important de la spiritualité orthodoxe est découvert dans le monde occidental après la seconde guerre mondiale, en Angleterre (Wrintings from the Philokalia or Prayer of the Heart) et en France grâce aux Récits d’un pèlerin russe (traduits par Jean Gauvain), à la Petite Philocalie de la prière du cœur (Jean Gouillard) et surtout grâce à la traduction de l’ensemble de l’œuvre par Jacques Touraille à partir de 1966. D’autres traductions, en espagnol, en italien, contribuent encore aujourd’hui à une large diffusion de ces textes, jusqu’en Amérique du Sud. Toutes les traductions ne présentent pas toujours les mêmes auteurs, certains pouvant être retirés du corpus et d’autres y être ajoutés.
Pourquoi lire la Philocalie ? Ce recueil, lu et relu, au long des jours, des nuits et des années, invite le lecteur à emprunter une voie, faite d’ascèse et de contemplation, à entrer en hésychasme. L’hésychia signifie le repos, la paix intérieure, la douceur, le silence. Dans notre société contemporaine où tant de personnes sont stressées, sollicitées de toutes parts, déprimées, lire la Philocalie réoriente vers l’essentiel en proposant un chemin de purification, de guérison et de transfiguration.
Si vous souhaitez découvrir la Philocalie, quelques propositions :
* Le texte en français :
La Philocalie, Les écrits fondamentaux des pères du désert aux pères de l’Église (IVe-XIVe siècle), Desclée de Brouwer, J.-C. Lattès (traduction de J. Touraille). L’introduction d’Olivier Clément et la postface de Jacques Touraille aident le lecteur à goûter ces textes.
Autour de la Philocalie :
Récits d’un pèlerin russe (traduction de J. Laloy), Points Sagesse, édition du Seuil.
Evdokimov, Ouvrir son cœur, un chemin spirituel, Desclée de Brouwer.
Hiérothée Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur, Points Sagesse, édition du Seuil.
Jacques Touraille, Le Christ dans la Philocalie, collection « Jésus et Jésus-Christ », n° 63, Desclée de Brouwer.
* Approche historique :
Conférence de Vassa Kontouma parue dans l’Annuaire de l’École Pratique des Hautes Etudes en 2012, http://asr.revues.org/1079
* Un exemple de l’influence qu’a eu la Philocalie sur la littérature des pays de tradition orthodoxe, en particulier de la Russie :
Tolstoï, Le père Serge. (Nouvelle)